En 1985, Gaël Dufrène a 14 ans. Il dessine, d’un trait hâtif tracé au crayon de couleur, un camion ancien passant devant une maison. Au second plan, la maison à la façade rectangulaire penche légèrement vers la gauche, comme aspirée par le mouvement du camion.

La scène se passe sous un ciel menaçant. Des nuages sombres, une pluie en longs filaments tracés finement, tombe. A gauche, un arbre nu aux multiples branches effeuillées situe l’action en hiver. A l’arrière de l’engin un plateau permet de transporter des marchandises. Les immenses roues aux rayons bien définis sont semblables à deux gros soleils en mouvement. Une troisième roue de secours est accrochée à l’aile. La cabine ouverte laisse apparaître un conducteur, pied au plancher, les mains sur un volant colossal. Le dos droit, la tête haute, de la fierté s’en dégage. Le camion, dont la forme ancienne rappelle encore l’hippomobile, a un aspect rutilant. Il roule sur un sol hérissé de brins d’herbes et passe devant une haute maison de deux étages. Sous le camion un petit encadré donne des indications sur le modèle Mercedes Benz SA. Tout en bas du dessin, se trouve le titre deux fois souligné et la signature de l’artiste précédée du signe du copyright, ainsi que l’année de réalisation, 1985.

Dans ce dessin d’enfance, il y a déjà beaucoup d’éléments emblématiques de l’œuvre de Gaël Dufrène. Son goût pour la mécanique, pour ce qui « métallique et froid » et ce qui avance. Mais aussi sa rigueur et son souci pédagogique à travers l’utilisation d’une légende informative. En revanche, Gaël Dufrène va abandonner l’idée d’inscrire l’engin dans un paysage, au profit d’un dessin plus technique dorénavant, centré sur la machine. Des détails réalistes, comme les cailloux et brins d’herbe entre les rails, sont cependant visibles sur beaucoup de ses œuvres de l’âge adulte, comme dans le dessin « Locomotive 29bis 231H » conservé dans la collection.